par lfonfon » Ven Juin 16, 2006 9:28 am
Voici un article qui est pas trop technique:
En passant désolé pour le délais je n'avais plus accès à internet.
La Soif Physiologie et Réalités dans la Vie Courante
Stylianos Nicolaidis. 84 Bd du Maréchal Joffre, 92340 Bg La Reine
Ancien Directeur de l’Unité de Neurobiologie des Régulations
du Collège de France, associée au CNRS
Professor of Physiology and Neurosurgery - University of California San Francisco.
Pertes hydriques
Comportement de prise d’eau ou comportement dipsique ; Le boire
Le boire dans la vie courante
Le goût de l'eau et eaux gazeuses.
Anomalies de la soif
Le corps humain contient plus de 60% d'eau et cette teneur augmente chez l'enfant et le bébé où elle dépasse les 75%, et diminue avec l’âge et avec l’adiposité car la graisse contient moins d’eau que la plupart des autres tissus. Comme nous verrons plus loin, ce capital hydrique est réparti dans divers compartiments de l’organisme et en particulier les compartiments intra et extra-cellulaires. La teneur en eau de l’organisme doit être maintenue dans des limites étroites et ceci malgré la grande variabilité des conditions de notre environnement y compris dans les climats extrêmes. La constance de l’hydratation du milieu intérieur est assurée par un système régulateur dont le mécanisme est bien connu aujourd'hui. Celui-ci agit parallèlement sur l’élimination de l'eau et sur son réapprovisionnement par la prise de liquides. Cette dernière compense les déperditions d’eau grâce à l’apparition d’une soif bien proportionnelle aux déficits en eau.
La teneur en eau de l’organisme doit être maintenue dans des limites étroites et ceci malgré la grande variabilité des conditions de notre environnement y compris dans les climats extrêmes.
La connaissance du mécanisme neurobiologique qui permet la mise en place de la Soif et de son extinction (étanchement) permet de mieux comprendre et donc d’adapter le boire dans des circonstances aussi bien habituelles que particulières, liées à l’âge, au type d’activité ou à l’environnement.
Nous allons donc voir a) les pertes hydriques et leur mécanisme de contrôle, b) la Soif et ses deux composantes, l’intracellulaire et l’extracellulaire c) Comment survient l’étanchement, d) les besoins en eau et les particularités du boire f) chez le sportif et les performances physiques et intellectuelles, g) chez le nourrisson, h) chez la personne âgée, i) chez la femme enceinte, j) signes cliniques et paracliniques de déshydratation, k) conséquences physiques et intellectuelles de déshydratation et l) un aperçu des pathologies du boire, suivis de quelques conclusions.
Pertes hydriques
Les pertes hydriques représentent un turn-over d’environ 4% chez l’adulte et 15% chez l’enfant du capital hydrique de l’organisme et elles sont la somme de:
1) La perspiration insensible, par voie cutanée. Elle est peu importante (150 à 200 ml ou plus chez les petits) et ne doit pas être confondue avec la sudation.
2) L’humidification de l'air expiré. Pertes peu importantes (environ 200 ml), elles augmentent lorsque l’air respiré est sec.
3) Les fèces. Les pertes sont peu importantes mais peuvent augmenter beaucoup en cas de diarrhée. En cas de déshydratation les fèces participent à l’épargne de l’eau. Alors les selles durcissent, ce qui entraîne une ‘constipation’, phénomène à bien connaître car le remède en est simple ; il faut simplement boire beaucoup plutôt que prendre des médicaments anti-constipation.
4) L’excrétion rénale qui est beaucoup plus dépensière en eau, de l'ordre de 1200 ml. Elle élimine les déchets du métabolisme tels que l'urée ou les ions dont le Na+, K+, Ca+, Cl-. La caractéristique de l'excrétion rénale (diurèse) est de pouvoir réduire ou augmenter considérablement le volume d'eau éliminée. En cela le rein est un superbe organe régulateur du capital hydrominéral de l’organisme, aussi bien lorsque l'eau du corps est en excès (l'urine est alors très diluée) que lorsqu'elle est déficitaire (l'urine devient alors très concentrée et on dit alors qu’il y a anti-diurèse). C’est cette adaptabilité du débit urinaire qui permet une certaine "indulgence" dans la précision avec laquelle on doit boire pour compenser les pertes d’eau. Mais, l'adaptabilité de la diurèse a ses limites. Elle réussit bien à limiter les pertes d'eau en concentrant les urines (anti-diurèse) ; mais au-dessous d'un certain volume d’urine les substances toxiques n’arrivent pas à être éliminées correctement, ce qui entraîne leur accumulation dans le sang entraînant une intoxication endogène. Chose importante, plus le volume des urines est réduit, plus le travail du rein pour concentrer les urines augmente; si l’on impose au rein un tel travail excessif (parce qu'on boit peu, par ex) et pendant longtemps, on finit par l'épuiser et on s'expose davantage à des pathologies qui seront exposées plus bas.
Mécanisme de contrôle : La diurèse est contrôlée surtout par l’hormone antidiurétique ou vasopressine sécrétée par la glande post-hypophyse. Elle agit sur le rein pour réduire la production d’urine et cette fonction est facilitée par une autre hormone, l’angiotensine. Celle-ci, avec l’aldostérone retient également le Na+. La diurèse augmente lorsque les hormones précédentes diminuent et lorsque l’hormone natriurétique (produite par les parois du cœur et une partie du cerveau) augmente dans le sang.
5) La sudation. A coté des voies de déperdition d'eau ci-dessus, qui sont permanentes, il y a la sudation, qui est certes occasionnelle mais peut devenir dominante dans la déperdition de l’eau. En effet, dans les climats chauds et humides, la sudation fait perdre plus d'eau que toutes les autres voies, pouvant atteindre six litres et plus. La production et l’évaporation de sueur sont pratiquement le seul moyen qui permet de baisser la température du corps lorsque la température ambiante est élevée. Ajoutons que la sudation fait perdre à l'organisme du NaCl aussi puisqu’elle en contient environs 4% et cette concentration augmente d’autant plus que le sujet est moins acclimaté. Nous verrons que cette spoliation de Nacl a son importance.
6) Interdépendances des pertes hydriques. Diurèse, sudation et température centrale. Il y a une relative interdépendance entre pertes rénales et sudorales, surtout si on ne boit pas assez de liquides. Ainsi, s’il y a un déficit en eau, les centres régulateurs imposent un compromis : dans un premier temps, c’est le rein qui en fait les frais et doit réduire et donc concentrer les urines (pouvant aller jusqu'à l'anurie complète). Dans un ‘but’ d’économie, au fur et à mesure que la déshydratation s’accentue, le débit sudoral diminue lui aussi laissant la température centrale s’élever et se maintenir à 38°, 39° ou même 40° C. La différence entre 37° et le nouveau niveau de régulation thermique a été appelée ‘intervalle thermique’ par Dontas. Un sujet qui arrive aux urgences avec des signes de déshydratation et 39° C n’a pas nécessairement de la ‘fièvre’. Il suffit de le réhydrater pour voir la température descendre à 37° C. Les centres régulateurs économisent l’eau partout ou cela est possible, y compris au niveau des fèces produisant de facto une constipation dont le traitement ne passe pas par les médications classiques mais, tout simplement, par deux grands verres d’eau….
Comportement de prise d’eau ou comportement dipsique ; Le boire
Nous allons donc passer en revue les mécanismes grâce auxquels les déficits en eau de l'organisme se traduisent en soif et ceux qui conduisent à sa disparition (étanchement) qui a la particularité de se manifester dès que nous avons bu le volume d'eau qui faisait défaut. Nous allons voir aussi les faiblesses de ces systèmes de régulation, faiblesses qui conduisent parfois à une hydratation défectueuse (par ex. chez les personnes âgées ou après un grand effort).
Mais signalons d'emblée que le comportement de prise de boissons dans la vie quotidienne n'est pas le strict reflet de la soif physiologique. On peut boire sans soif et on peut ne pas boire malgré la soif ou boire moins que ce qui correspondrait à la soif physiologique. Ceci est possible grâce à la fonction urinaire qui compense les ‘fantaisies’ du boire. Mais à la fin, ce sont encore les centres de soif qui autoriseront le miracle qui fait que, au cours de toute une vie, on aura bu une quantité strictement égale à celle qui aura été perdue par les différentes voies dépensières d’eau.
Nous allons donc exposer d'abord ce qui concerne la ‘soif physiologique’ et, ensuite, nous étudierons le boire dit ‘extra-physiologique’ ou ‘non régulateur’.
1) Soif et ses deux composantes, l’intracellulaire et l’extracellulaire
En face de toutes ces "voies d'eau" spoliatrices, se dresse le système qui en assure l'approvisionnement grâce au ‘boire’ ou comportement de prise de liquides, ou ‘comportement dipsique’ et, inlassablement, rétablit l'homéostasie hydrominérale.
Chacun sait que la ‘déshydratation’ entraîne la soif. Mais, en cas de ‘déshydratation’, qu’est-ce qui est perçu par l’organisme et comment ? Où se situent les récepteurs et, derrière eux, la structure qui transforme la perception de la déshydratation en soif et qu’est-ce qui nous donne envie d’aller boire? Qu’est-ce qui crée la sensation d’étanchement et ceci précisément lorsqu’on a consommé la quantité de liquide qui nous faisait défaut? Nous allons donc passer en revue les mécanismes physiologiques grâce auxquels les déficits en eau de l'organisme se traduisent en soif.
Il existe deux sortes de soif physiologique, chacune étant liée à la régulation de l'un et/ou de l'autre des espaces hydriques de l'organisme ‘l'espace intracellulaire’ (IC) et ‘l'espace extracellulaire’ (EC). La bonne compréhension du mécanisme de ces deux soifs présente un intérêt général mais aussi pratique. En effet, elle permet de comprendre certaines aberrations du boire et ce qu'il convient de faire pour y pallier.
a) Régulation du compartiment intra-cellulaire
Le compartiment intra-cellulaire c'est-à-dire le contenu liquide de toutes les cellules de l’organisme représente 32 à 35 litres chez l'homme de 70 kg.
L'espace intracellulaire est riche en ions potassium (K+) contrairement à l'espace extracellulaire qui est riche en sodium (Na+). Ces concentrations ioniques différentes sont assurées par des pompes très actives situées dans la membrane cellulaire. Quant à l'eau, elle filtre à travers cette membrane de façon à assurer une pression osmotique égale dans le milieu IC et EC. On comprend aisément que, s'il existe un excès de Na+ (ce qui augmente la pression osmotique efficace), l'eau se déplacera vers l’espace EC qui sera oedématié pendant que les cellules l’espace (IC) auront tendance à se vider partiellement, à se flétrir. L'augmentation de la concentration en Na+ élève donc la pression osmotique de l'EC ce qui aspire l'eau contenue dans les cellules qui se trouvent ainsi déshydratées. On doit y ajouter la présence des ‘aquaporines’ dont le rôle dans la soif n’est pas encore bien compris.
Des expériences ont établi que 1 à 2 % de déshydratation de l’espace IC suffit pour déclencher la soif dite IC grâce au flétrissement des cellules et en particulier de certaines parmi elles qui jouent le rôle de cellules réceptrices. Elles se trouvent dans la partie antérieure de l’hypothalamus. C'est d'elles que partira le message vers les centres spécialisés qui vont éveiller la soif et les autres réponses correctrices. Il suffit de changer artificiellement la pression osmotique de cette région, par ex en y injectant une micro-gouttelette d’une solution hypertonique via une canule implantée préalablement chez l’animal, pour que celui-ci se précipite et boive des quantités impressionnantes d’eau. Une fois que les cellules réceptrices ont été ainsi stimulées, elles envoient leur message au voisinage dans la même région du cerveau où se trouvent les centres ‘intégrateurs’. Ces centres reçoivent d’autres messages, y compris en provenance de la bouche, pour initier ou terminer la soif. On peut créer une soif purement IC en injectant dans une veine ou en ingérant du NaCl. La neurochimie de la soif a été solidement établie par de nombreuses expériences de micro injection d'angiotensine, de vasopressine et de leur antagoniste respectif. La soif ainsi déclenchée est impressionnante et dépend de la localisation. Le blocage du boire par les antagonistes et par le peptide atrial et/ou natriurétique (ANF et BNF) apportent des arguments supplémentaires en faveur du circuit de la soif et de son double mécanisme, nerveux et neuroendocrine. Quant au rôle de l’aquaporine dans le boire, il n’est pas encore bien établi.
L'ensemble des neurones qui détectent la déshydratation IC et qui déclenchent la soif, sont situés dans la partie médiane et tout antérieure de l'hypothalamus, bordant la partie antérieure du IIIème ventricule, (au-dessus du chiasma optique). Ils se trouvent juste en avant des noyaux para-ventriculaires qui fournissent l'hormone antidiurétique à l'hypophyse. Ce mur antérieur du IIIème ventricule se termine par trois structures singulières, très vascularisées : a) en bas, l'organe vasculaire de la lame terminale, b) en haut, l’organe sous-fornical et c) en avant l'organum cavum pré-lamina-terminalis que nous avons révélé. Ces trois structures possèdent une barrière hémato-encéphalique qui est perméable aux hormones de la soif et en particulier l'angiotensine. Ces hormones circulantes passeront donc dans le tissu cérébral et parviendront aux centres dipsiques pour amplifier la soif et les réponses rénales qui concourent à la régulation hydrominérale (voir plus loin). Le rôle du cortex cérébral a été exploré plus récemment grâce aux nouvelles techniques, comme la Tomographie par Emission de Positrons (PET). Une équipe américano-australienne a récemment localisé diverses structures activées en réponse à la soif provoquée par une perfusion de sérum hypertonique puis à l’étanchement produit par la prise abondante d’eau. La principale activation lors de la soif maximum porte sur la circumvolution cingulaire postérieure (connue pour son rôle dans la mémoire) que les auteurs pensent être la ‘conscience’ de la soif. D’autres structures, comme le girus para-hippocampique, l’insula, l’amygdale et autres plus polyvalentes ont été localisées. Enfin, des activations intenses ont été vues dans la partie vermienne du cervelet que personne n’avait impliqué dans la mise en jeu d’une sensation et d’un comportement motivé.
L’étude de ces centres avait commencé dans les années 50. Pour démontrer que les récepteurs de la déshydratation IC, ou osmorécepteurs, se trouvaient dans la région suscitée, B. Andersson y avait implanté de façon chronique, chez la chèvre, une fine canule en acier, qu’il avait amarrée sur l’os du crâne. Le jour de l'expérience il avait injecté dans l'hypothalamus une gouttelette de 1mm3 de sérum salé hypertonique, et, dans les minutes qui avaient suivi, la chèvre s'était mise à boire une quantité énorme d'eau pouvant entraîner même une hyper-hydratation létale. D’autres expériences de stimulation électrique ou de lésions ont depuis confirmé le rôle que cette région joue dans la soif. Les lésions électrolytiques ont été complétées par des lésions chimiques qui, dans une population bigarrée, ont l’avantage de tuer seulement les neurones qui ont telle ou telle propriété et pas les autres. Un grand progrès a été effectué grâce aux microinjections de neurohormones et de médiateurs nerveux spécifiques (angiotensine, aldostérone, vasopressine ou dopamine acétylcholine etc).
Nous connaissons ainsi le cheminement nerveux et neuroendocrinien mis en jeu lorsqu'il y a déshydratation IC à partir d'un seuil de 1,5 à 2% du volume hydrique IC total. Les récepteurs sus-cités du mur antérieur du IIIème ventricule sont alors stimulés. Leur activation est amplifiée par l'angiotensine II plasmatique qui pénètre via les organes vasculaires circum-ventriculaires suscités qui, on l’a vu, n'opposent pas de barrière hématoencéphalique.
A l’angiotensine circulante, s'ajoutent l'angiotensine formée dans le tissu cérébral et, dans une moindre mesure, la vasopressine formée dans le voisinage pour co-agir avec l'angiotensine. Le message ainsi généré et renforcé se dirige alors vers l'hypothalamus latéral voisin où il active le circuit dit de la "récompense". Celui-ci en grande partie dopaminergique, aboutit dans le noyau accumbens et est responsable du désir de boire, la soif. Elle fait que l’évocation du boire et l’acte de boire procurent le plaisir que nous connaissons. L’articulation entre les centres initiateurs de soif et le système de la ‘récompense’ mérite d’être mieux explorée car elle a plusieurs points communs avec l’initiation des autres comportements motivés (alimentaire, sexuel et autres).
Une fois les osmorécepteurs stimulés par une déshydratation, leur message ne se dirige pas seulement vers les structures qui déclenchent la soif, mais aussi vers un circuit voisin et parallèle (mais distinct) qui active les neurones des noyaux supra-optiques et para-ventriculaires qui produisent l'hormone anti-diurétique ou vasopressine. Celle-ci est alors libérée dans le sang via la post-hypophyse pour réduire la diurèse et ainsi économiser l'eau au niveau des sorties. Ce même circuit est activé en sens inverse lorsqu’on boit pour déclencher (à l’image de l’étanchement) une diurèse et une sudation quasi immédiates sans attendre le long parcours de l’eau le long du tractus gastro-intestinal et jusqu’à son arrivée dans la circulation. Nous avons appelé ces réponses précoces ‘Réflexes Anticipateurs ou Céphaliques’ que j’ai décrits dans les années 60.
La relative indépendance de deux systèmes, régulateurs, celui du boire et celui de l'élimination de l'eau a son importance. En cas de déficience de l'un d'entre eux, l'autre permet de compenser. C'est ce qui arrive dans les cas de diabète insipide. En effet le déficit en vasopressine chez ces malades entraîne d'énormes pertes d'urine très diluée. Heureusement la soif chez ces malades reste suffisamment opérationnelle pour leur permettre de boire un volume d'eau équivalent de celui qui a été éliminé.
b) Régulation du compartiment extra cellulaire.
Il s'agit d'un système distinct et parallèle à celui de la régulation du volume IC. Il est important de l'étudier séparément pour comprendre certaines anomalies du boire.
Nous avons vu que la régulation du volume IC est fondée sur la pression osmotique efficace. Une perte d'eau de 1,5% suffit pour augmenter la pression osmotique qui entraîne le flétrissement des cellules réceptrices et pour déclencher le boire compensateur. Mais que se passe-t-il quand l’organisme perd en même temps que l'eau du NaCl ? C'est ce qui se passe en cas d'hémorragie ou de diarrhée ou, plus banalement, en cas de sudation abondante ? La pression osmotique efficace ne change pas avec la déshydratation et pourtant, dans ces cas là aussi, une soif s'installe et peut même être très intense comme dans les cas d'hémorragie (par ex. la fameuse soif des champs de bataille…). On a démontré que dans ces cas la réduction de l’espace EC se reflète au niveau du volume sanguin. Et de fait, les "volo-récepteurs" sont situés dans des endroits stratégiques, autour des gros vaisseaux à parois fines de la base du cœur, c'est-à-dire dans les veines pulmonaires et les oreillettes. Il suffit d'une réduction de volume de 300 à 500 ml pour déclencher la soif purement EC.
Suite à une déshydratation EC, le stimulus provoqué par le flétrissement des parois des gros vaisseaux du cœur remonte vers le cerveau par le nerf vague et la chaîne sympathique (notion récente), fait synapse dans le noyau du faisceau solitaire et le noyau para-brachial et aboutit dans l'hypothalamus antérieur. Les neurones qui reçoivent les messages volémiques se situent dans les parois de l'organum cavum pre-lamina terminalis, au voisinage des osmorécepteurs et des centres de la soif intra-cellulaire, tout en restant distincts d’eux. Nous avons montré qu’à ce niveau sont localisés des volorécepteurs complémentaires. C’est là un autre exemple de système de double assurance qui permet de pallier une information erronée que des récepteurs périphériques peuvent envoyer en direction des centres régulateurs lorsque, par exemple, les gros vaisseaux de la base du cœur sont atteints de sclérose athéromateuse (voir plus loin).
Le message en provenance des volorécepteurs est fortement amplifié par l'angiotensine périphérique et centrale à laquelle vient s'ajouter l'aldostérone (ce minéralo-corticoide surrénalien qui, par ailleurs, retient le Na+ au niveau du rein). Cette double décharge hormonale est très importante. Elle est responsable de l'induction, parallèlement à la soif, d'un appétit pour le sel accru qui caractérise la soif EC. Sans que l'on s'en aperçoive, en cas de soif EC, on est attiré par des mets salés ou on sale d'avantage sa nourriture. Quoi de plus ‘logique’? Puisque la déplétion de l'espace EC était précisément due à la double perte d'eau et de Na+ la réponse hormonale synergique entraîne, d’une part, la double rétention du Na+ et de l’eau et, d’autre part, leur entrée par la bouche. La coaction de l’angiotensine et des minéralocorticoides entraîne l’appétit pour le sel en agissant sur les structures hypothalamiques voisines de la lame terminale. C'est à leur niveau et au niveau de l’amygdale que les signaux de déshydratation EC se transforme en désir de manger et de boire ‘salé’.
c) Mécanisme de l’étanchement
C'est ici qu'on peut relever cette propriété étonnante, celle de l'étanchement. En effet l'homme, et la plupart des animaux, est capable de combler son déficit en ingurgitant rapidement le volume exact qui lui faisait défaut. La soif cesse aussitôt, et ceci, alors même que la quasi-totalité de l'eau avalée ne se trouve encore dans la poche gastrique. A ce moment là le milieu intérieur, les espaces IC et EC, dont le déficit avait induit la soif, n'ont encore rien reçu. Pourquoi donc les centres dipsiques ont brutalement changé leur message de "déshydratation = soif" dans lequel il était, en "euhydratation = étanchement" ? C'est grâce aux enregistrements électrophysiologiques que nous avons montré que les mêmes neurones de l’hypothalamus antéro-latéral qui reçoivent les messages de déshydratation (hyperosmolarité) du sang reçoivent également les fibres nerveuses qui partent de la langue (et de l’estomac) pour conduire le message ‘goût de l'eau’ vers les centres. De cette façon, alors que les neurones fonctionnaient sur le mode "déshydratation" ils reçoivent de la périphérie (des bourgeons du goût) des messages de réhydratation (une sorte d’annonce téléphonique d’approvisionnement ) qui anticipent la vraie réhydratation avec la dilution sanguine qui va se produire 10 à 20 min plus tard, lorsque l'eau bue aura atteint l'intestin et aura traversé la barrière intestinale pour restaurer l'osmolarité et la volémie physiologiques.
L'étanchement est donc un des réflexes "anticipateurs" évoqués plus haut. Nous en avons montré d'autres qui obéissent au même mécanisme neurophysiologique.
Ces réflexes ‘anticipatifs’ sont le ‘Réflexe Potohidrotique’ (du grec, poton = boisson et hidros = sudation): Nous avons vu plus haut qu'en ambiance chaude l'homme déshydraté présente une sudation parcimonieuse ce qui permet à la température centrale de s’élever et se maintenir à des niveaux d’autant plus élevés (38° , 39° et plus) que la déshydratation est plus poussée. Cette ‘fièvre’ apparente va céder lorsque le sang retrouvera son osmolarité et sa volémie normales. Or, il suffit que l’homme déshydraté commence à boire pour que sa sudation augmente aussitôt, ce qui a comme avantage de ramener plus rapidement la température du corps à la normale.
‘Réflexe Potodiurétique’ : Il en est de même du débit urinaire qui augmente dès qu'on boit et ceci sans attendre que l'eau bue ait atteint la circulation sanguine. Ce réflexe est symétrique puisque la diurèse de base diminue immédiatement lorsqu’on met cette fois-ci dans la bouche une solution ou un aliment hypertonique (par ex. des anchois). L'avantage des réflexes anticipateurs est évident pour la survie. Ils permettent des adaptations rapides. Toutes ces réponses anticipatoires sont innées et, contrairement aux réflexes conditionnés, possèdent leur propre circuit qui, comme celui de l’étanchement, est précablé. Ils n’ont donc pas besoin d’apprentissage.
d) Validation des données expérimentales chez l’humain.
L’observation chez l’humain révèle souvent des prises de boisson aberrantes, ce qui amène le doute de l’application à l’homme des mécanismes Physiologiques. Il se trouve qu’on a pu vérifier sans exception la validité des mécanismes physiologiques de la soif chez l'humain. Mais de nombreux facteurs collatéraux interviennent dans le boire chez l’humain car l’eau que nous consommons devient de plus en plus le véhicule de substances variées allant du sucre à la caféine, à l’alcool etc. Nous y reviendrons plus bas.
Le sujet humain a souvent servi pour démontrer le mécanisme de la soif IC, et ceci à l'aide des perfusions hypertoniques salines ou autres dès 1918 (Leschke). C’est ainsi que Wolf a établi le seuil de soif à 1,5 à 2% d'hyperosmolarité efficace (efficace car utilisant des molécules qui ne traversent pas la membrane neuronale). Des études plus récentes situent l'apparition de la soif lorsque l'osmolarité s'élève de 7 mosm /kg de poids corporel et la natrémie de 4,2 meq /l. Mais la décharge de vasopressine (et donc l’anti-diurèse) commence bien plutôt (presque la moitié des changements). Ceci est logique que l'effort d'homéostasie soit demandé d'abord au rein et seulement ensuite au comportement (Philips et all, 1985, Robertson et all, 1984). La soif de type EC a aussi donné lieu à des expérimentations humaines. Il a été montré que la soif pouvait diminuer (et la diurèse augmenter) après immersion de sujets dans l'eau jusqu'au cou. En effet, cette immersion fait refluer le sang vers les volorécepteurs de la base du cœur imitant un état de surcharge de l’EEC (Wada et all 1995).
Des expériences de privation d'eau pendant 24 heures ont provoqué une faible hyperosmolarité et hypovolémie sans affecter le taux d'angiotensine ou l'hématocrite. Toutefois, les sujets ont compensé le déficit en buvant en une vingtaine de minutes le volume manquant. Les réponses comportementales étaient en bon accord avec l'évaluation subjective de leur soif et de leur satiété hydrique (exprimée sur une échelle linéaire de 100 mm). Les réponses aux questionnaires ont bien vérifié la mise en jeu d'une "alliesthésie" négative. Les détails qui accompagnent l'alliesthésie et son rapport avec l'étanchement varient selon les individus et le milieu où ils vivent. Ils comprennent la sécheresse buccale, la distension de l'estomac, l'irritation et sa disparition, l'irritabilité de l'épithélium buccal, la sensation de fatigue ou de somnolence, l'inappétence, une tête lourde, l'impossibilité de concentration et autres signes de déshydratation.
[Le terme ‘alliesthésie’ (que j'ai crée à la demande de Michel Cabanac qui a magistralement exploré ses différentes applications dans le comportement en général) signifie qu'une sensation de soif vis-à-vis d'un stimulus (ici l'eau) peut rapidement passer d'agréable à désagréable (alliesthésie négative) sous l'effet de stimulations sensorielles (ici le contact de l’eau avec la bouche) et/ou de modifications du milieu intérieur (ici hémodilution et la restauration du volume EC).]
Le boire dans la vie courante
Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les facteurs physiologiques de soif se vérifient chez l’humain. Dans la vie courante, le boire est associé surtout au manger. Chez l’humain, le boire obéit davantage à des signaux extérieurs et, peut être, à une batterie de signaux internes de déshydratation qui sont, pris individuellement, parfois trop subtiles pour que nous puissions les mesurer avec nos appareils. Certaines investigations chez des volontaires par exemple n'ont pas réussi à montrer que, dans nos conditions habituelles, avec libre accès aux boissons, le boire se déclenche toujours en réponse à une soif physiologique avec altération de l'osmolarité et des hormones dipsogéniques du sang.
Chez l'humain, buveur rapide, la réparation du déficit hydrique peut certes se faire en quelques minutes mais il laisse souvent un résidu de déshydratation. C'est pourquoi des ajustements, buvant à nouveau une ou plusieurs fois, sont nécessaires pour qu'une satiété hydrique (permanente) prenne le relais de l'étanchement (temporaire).
Lorsque la boisson offerte est particulièrement agréable, parce qu'elle est fraîche ou elle contient des substances édulcorantes, la consommation peut se prolonger bien au-delà des besoins initiateurs de la soif. En effet, l’excès de boire ne pose aucun problème physiologique puisque, répétons le, de larges excès du boire sont facilement compensés par le travail du rein qui déclenche aussitôt une diurèse réparatrice. C’est par exemple le cas des grands buveurs de bière. La légère hyperhydratation ainsi imposée à l’organisme sera vite neutralisée par le rein et une diurèse sera alors déclenchée et ceci dès le début de boire (réflexe poto-diurétique). D’une manière générale d’ailleurs, dans le cas des boissons alcoolisées, la quantité d'eau a peu d'importance. Pour une même quantité d'alcool le buveur de bière consommera beaucoup d’eau alors que le buveur de whisky en consommera peu. Le premier apparaîtra comme polydipsique et le second comme oligodipsique. Et il est à parier que si l'alcool n'était disponible que sous forme de baba au rhum notre consommateur serait simplement… obèse ; car lorsque le véhicule de l'alcool n'est pas l'eau mais le sucre nous n'avons plus le rein pour nous débarrasser facilement du véhicule qui transportait l’alcool.
Ceci nous amène à considérer la prise des boissons édulcorées dont la consommation augmente constamment dans tous les pays. La disponibilité de boissons édulcorées augmente a priori la consommation d’eau ; mais cette augmentation varie beaucoup d'une étude à l'autre, d'une flaveur à l'autre et selon la température de la boisson. Les sujets du sexe masculin sont beaucoup plus sensibles que ceux du sexe féminin à la fraîcheur de la boisson. Lorsque la consommation était mesurée après un long exercice dans des conditions désertiques, les sujets français avaient bu plus lorsque la boisson était à 5° C et les américains, plus lorsqu’elle était à 15° C. Plusieurs études ont montré l'augmentation de la consommation des boissons sucrées et encore plus lorsque les boissons offertes étaient multiples. La surconsommation constatée varie beaucoup selon les boissons, l'âge, le sexe, la présence ou l'absence de nourriture et la culture des sujets ; la façon dont ils ont été élevés affecte leur acceptabilité d'une boisson sucrée et le manque d'enthousiasme pour l'eau. Ici aussi les sujets ingurgitent leur liquide aussi bien pour l'eau que pour les calories et les "frigories" qu'elle contient. D'où la variabilité des résultats, et pas seulement selon les conditions de déshydratation des sujets. La consommation de boissons édulcorées augmente beaucoup en fonction de la ‘culture’ du sujet. On connaît l’influence considérable de l’apprentissage dans les habitudes alimentaires des sujets. On apprend à aimer et ceci d’autant plus qu’on est plus jeune. Devant le risque que représentent aujourd’hui les boissons alcoolisées et sucrées dans l’extension de l’obésité, il est capital de n’offrir aux jeunes enfants que de l’eau réservant les boissons édulcorées uniquement pour la récréation, comme une exception.
Une chose est certaine ; les calories contenues dans les boissons sucrées sont mal comptabilisées par les récepteurs oro-gastriques de l'organisme. Ce fait surprenant a été plusieurs fois constaté et encore récemment vérifié par une étude française récente (Fantino). On offre au sujet une ‘précharge’ calorique (par ex 300 calories) sous forme solide ou sous forme liquide et on compare la quantité de calories consommées au prochain repas, une heure plus tard. Lorsque la précharge est un met (donc solide) le repas suivant diminue presque d'autant de calories que celles contenues dans la précharge ; à l’inverse, lorsque la précharge calorique est fournie sous forme de boisson le sujet ne diminue pas sa ration au repas suivent. Tout se passe comme si la précharge liquide était ignorée. Il en résulte une somme positive et donc une surconsommation calorique. Ce phénomène est suffisamment inquiétant pour qu'on le considère comme un des responsables des obésités croissantes aux USA et ailleurs.
Les équivalents light sont-ils la solution ? Il faut se reporter à la section des "réflexes anticipateurs" de cet article où on évoque le mécanisme des réponses de régulation dès que l’ingestat entre dans la bouche. Dans le cas présent, la stimulation des papilles gustatives par l'édulcorant artificiel génère un faux message de consommation de sucre. L’appareil gustatif va alors se laisser tromper, du moins les premières fois…Ce message ‘sucre’ parvient au niveau de l'hypothalamus et, comme nous l'avons montré dans une étude, y déclenche des réponses hormonales (insulines, glucagon, catécholamines, autres) destinées à faciliter la gestion de ce sucre lorsque celui-ci passera de l'intestin dans le sang. Mais, l’annonce de sucre étant trompeuse, les hormones qui seront sécrétées pour le métabolisme du sucre produiront pas les effets appropriés. Qui plus est, la répétition de cet effet finit par adapter les réponses de l'organisme pour les émousser, voire même, à la longue, les abolir. L'émoussement des réponses hormonales réflexes pourrait entraîner à terme une moins bonne gestion des glucides ingérés qui avaient bien signalé leur afflux aux papilles gustatives, mais dont le message vers les centres régulateurs étaient dorénavant devenu moins fiables.
En conclusion, Le boire est essentiellement sous la dépendance de la soif et de l’étanchement produit par des mécanismes physiologiques bien compris aujourd’hui et adéquats pour contrecarrer la déshydratation.
Mais le boire quotidien dans nos sociétés évoluées et à climat tempéré ne dépend pas seulement des besoins homéostatiques du milieu IC et EC. La soif physiologique est souvent subjuguée par des facteurs non homéostatiques qui dépendent de notre environnement et de l'interférence d'additifs qui altèrent le goût de la boisson et ajoutent de nouveaux facteurs hédoniques.
Cette interférence peut contribuer à augmenter le volume bu, c'est-à-dire à optimiser l'hydratation de l'organisme qui a besoin de plus d'1,5 litre de liquide par jour. Pour certaines études américaines, un homme doit boire même plus de deux litres de liquides. Mais l’avantage des additifs n'est pas sans inconvénients. L'eau servant de support peut servir de cheval de Troie pour introduire des substances, soit néfastes pour l'organisme (alcool, caféine), soit génératrices d'obésité lorsqu’elles sont prises trop souvent et/ou en trop grandes quantités (sucre, alcool), soit plus insidieuse si on n’y prête pas attention (édulcorants de synthèse, flaveurs diverses).
Un inconvénient plus subtil provient du fait que le jeune, et l’adulte aussi, apprend à associer son étanchement et le plaisir de la réhydratation à la présence d'additifs olfacto-gustatifs et finit par trouver le goût de l'eau au mieux fade et au pire désagréable, si elle a par malchance l’inconvénient de contenir du chlore ou des micro-polluants. Il en résulte alors une hypodipsie qui demande au rein de faire tout l’effort de concentration des urines, ce qui à la longue est préjudiciable.
Que faut-il faire ?
Au risque de me répéter, il est important d'apprendre à étancher sa soif avec de l'eau et ne consommer des boissons diverses que comme des extra. L'eau doit être de bonne qualité, facilement accessible et bue avec insistance. Ainsi on apprend à s'hydrater correctement et on tend à prolonger sans effort ce qui au départ peut avoir été quelque peu forcé.
L'habitude de boire de l'eau s'acquiert surtout au cours de l'enfance et c’est en ce moment là qu’il faut agir pour ancrer les habitudes salutaires en matière d’hydratation.
Le goût de l'eau et eaux gazeuses.
Le goût de l'eau est une question débattue aussi bien par les nutritionnistes que par les biologistes. Il existe bien des messages électro-physiologiques sous forme de pattern particuliers ou souvent sous forme d’inhibition des messages du goût salé. La question est plutôt celle de l'absence de goûts parasites dans l'eau. On constate de nombreux cas d'aversion relative vis-à-vis de l'eau, surtout chez les citadins. Ces aversions sont à l'évidence, liées aux goûts parasites de certaines eaux. L'odeur de chlore est la plus évidente mais d'autres micro-poluants sont vraisemblablement perçus de façon plus ou moins explicite, plus ou moins consciente. Or, il a été montré très récemment que la perception et la mémorisation d'un marqueur odorant de façon non explicite (non consciente) est beaucoup plus prégnante que lorsque la perception est explicite. Cette perception-mémorisation non explicite influence par la suite l'attraction ou la répulsion de l'ingestat (ici l’eau) qui est porteur du marqueur olfacto-gustatif. Une mention particulière concerne les eaux gazeuses qui sont souvent préférées aux eaux plates. La fréquence de cette préférence dépend de l'opportunité que l'individu a eu de consommer des eaux gazeuses surtout au cours du développement mais pas seulement. Dans une étude récente, nous nous sommes aperçus que la préférence pour les eaux gazeuses (physalophilie) est, en partie, sous la dépendance de besoins en micro-éléments du milieu intérieur. Il ne s’agit donc pas d’une ‘fantaisie’ mais, une fois de plus, d’un comportement motivé.
Anomalies de la soif
Cas particuliers de besoins hydriques et de comportement dipsique.
Maintenant que nous avons vu les deux systèmes régulateurs distincts mais interdépendants, l'IC et l'EC, nous examinerons quelques cas d'anomalies du boire sans que l'on puisse parler véritablement de pathologie.
a) Déshydratation ‘volontaire’ et son rôle dans le coup de chaleur du sportif ou du soldat, la déshydratation du vieillard dans la canicule ou simplement en ambiance chaude.
Pour la compréhension de ce qui suit, il convient de rappeler ici que les soifs induites par la déshydratation IC et EC sont additives et surtout additives algébriquement.
Dans un environnement chaud et humide, la sudation peut atteindre des volumes considérables. La sueur contient d'autant plus de NaCl que l'homme est moins adapté aux climats chauds, pouvant avoisiner une concentration proche de la moitié de l'isotonique. Admettons qu'un homme a perdu 4 litres de sueur et que ce déficit a bien été perçu par ses volorécepteurs (responsables de la soif EC) qui l’ont conduit à boire 4 litres d'eau. Il va ainsi restaurer sa volémie normale ; Mais les 4 litres d’eau bue vont diluer le milieu EC car le NaCl perdu dans les 4 litres de sueur (environs 16 gr ) ont été remplacés, ce qui entraînera une certaine hypo-osmolarité. Celle-ci agira sur les osmorécepteurs (responsables de la soif IC) pour y induire un signal inverse, un signal d'étanchement. Donc le signal de (-) de soif IC va diminuer le signal (+) de la soif EC. Si la sudation continue les nouvelles pertes hydro-salines créerons à nouveau une hypovolémie supplémentaire génératrice de soif de type EC et à nouveau la prise d'eau va aggraver encore plus de déficience en NaCl et donc plus d’hypo-osmolarité devenant un encore plus puissant inhibiteur de la soif de type IC. Etant donné que ces deux types de soif s'additionnent algébriquement, l'assouvissement IC va dépasser la soif EC et notre sujet n'aura pas soif malgré la continuation et l’aggravation de sa déshydratation. C'est ce phénomène que l'on appelle, de façon imagée, "déshydratation volontaire". Volontaire, dans la mesure où elle persiste alors même que l’eau est présente et qu’il aurait suffit que le sujet tende la main pour la consommer. Le remède, tout simple, consiste à saler davantage les aliments, de façon à contrebalancer le NaCl éliminé par la sueur. Dans les cas extrêmes (chauffeurs des navires des tropiques, soldats en exercice, sportifs ou marcheurs du désert etc..) on prescrit des comprimés de NaCl, à condition de connaître ce phénomène, ce qui est rarement le cas. Ainsi le bon vieillard qui a restreint sa prise de sel pour cause de légère hypertension, se trouvera particulièrement exposer à une mort par hyperthermie (voir plus haut la notion de ‘l’intervalle thermique’).
b) Hypodipsie permanente des personnes âgées.
Un autre cas fréquent est celui de l'hypodipsie et de la déshydratation des personnes âgées. En étudiant la cause de cette hypodipsie, j’ai constaté que chez un grand nombre de personnes âgées, il se produit une sclérose des parois des gros vaisseaux de la circulation à basse pression de la base du cœur (artère et veine pulmonaire). Cette sclérose gêne l’élongation et donc la mise en jeu des volorécepteurs circonférentiels qui s'y trouvent. Dans ces conditions, l’hypo-volémie n’est plus perçue correctement et la soif de type EC devient déficiente. Si, en plus, la perte de NaCl par la sueur et les urines n’est pas compensée (toujours pour corriger une hypertension) la pression osmotique reste voisine de l'isotonicité et le stimulus de la soif IC devient faible ou nul. La somme algébrique des deux soifs (EC et IC) reste sous la valeur du seuil et le sujet âgé ne boit pas alors même qu’il serait capable de le faire.
Que faut-il faire ? Chez eux, il est indispensable de prescrire une prise de boissons agréables (pour que l’hédonisme compense l’absence de soif) et presque forcée ou, au minimum, programmée. L'autre remède qui consisterait à saler davantage est souvent contre indiqué chez ces personnes porteuses par ailleurs d'artériosclérose et de fonctions rénales fragiles.
c) Prise d’eau chez le nourrisson et le petit enfant
Une mention particulière concerne l’hydratation du nourrisson. Dans les climats tempérés elle est assurée par l’eau contenue dans le lait. Mais, dès que la température s’élève et le bébé doit transpirer pour préserver sa température normale un supplément proportionnel doit être fourni. Le système de soif est d’ailleurs mis déjà en place et le bébé ne refuse pas le biberon d’eau qui lui est offert. Sa soif est un assez bon juge de ses besoins en eau. Toutefois une forte déshydratation peut diminuer sa capacité à réagir et à boire comme il se doit. Les signes de déshydratation chez le nourrisson son facile à détecter au niveau du pli cutané, des lèvres et de la langue. En cas de doute, avant de faire appel au médecin, on peut recourir à la pesée et à la prise de température qui s’élève en cas de déshydratation (‘fièvre’ physiologique). Un supplément d’eau et de sel est également nécessaire en cas de diarrhée.
d) Pathologie et comportement dipsique
A noter que certaines pathologies cardiaques modifient la turgescence des vaisseaux à basse pression et entraînent ainsi des hyper ou hypo-dipsies, symptômes pouvant aider à établir le diagnostic causal.
Certaines autres pathologies diminuent le flux sanguin dans l'organe juxtaglomérulaire du rein. Cet organe agit comme un volorécepteur et augmente la sécrétion de rénine et exacerbe ainsi la production d'angiotensine II. Celle-ci, outre l'hypertension, entraîne une hyperdipsie qui disparaît dès qu'il y a eu néphrectomie thérapeutique. Toutefois, l'hyperdipsie rénale semble impliquer d'autres facteurs additionnels car la perfusion d'angiotensine II seule chez des volontaires requiert des concentrations 7 à 22 fois supérieures pour déclencher un début de soif. Comme facteur additionnel, nous avons montré que la vasopressine, qui seule n'est pas dipsogénique, potentialise l'effet de l'angiotensine II.
Lfonfon
Mécanicien du corps.